Douceur

Introduction à la Vie Dévote III, 8

Il est mieux d’entreprendre de savoir vivre sans colère que de vouloir user modérément et sagement de la colère, et quand par imperfection et faiblesse nous nous trouvons surpris d’icelle, il est mieux de la repousser vitement que de vouloir marchander avec elle ; car pour peu qu’on lui donne de loisir, elle se rend maîtresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aisément tout son corps où il peut mettre la tête. Mais comment la repousserai-je, me direz vous ? Il faut, ma Philothée, qu’au premier ressentiment que vous en aurez, vous ramassiez promptement vos forces, non point brusquement ni impétueusement, mais doucement et néanmoins sérieusement ; car […] il arrive maintes fois que voulant avec impétuosité réprimer notre colère, nous excitons plus de trouble en notre cœur qu’elle n’avait pas fait, et le cœur étant ainsi troublé ne peut plus être maître de soi-même. […]

Au surplus, lorsque vous êtes en tranquillité et sans aucun sujet de colère, faites grande provision de douceur et débonnaireté, disant toutes vos paroles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce façon qu’il vous sera possible.

Introduction à la Vie Dévote III, 9

L’une des bonnes pratiques que nous saurions faire de la douceur, c’est celle de laquelle le sujet est en nous mêmes, ne dépitant jamais contre nous mêmes ni contre nos imperfection ; car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes nous en soyons déplaisants et marris, si faut-il néanmoins que nous nous empêchions d’en avoir une déplaisance aigre et chagrine, dépiteuse et colère. En quoi font une grande faute plusieurs qui, s’étant mis en colère, se courroucent de s’être courroucés, entrent en chagrin de s’être chagrinés, et ont dépit de s’être dépités.