Spiritualité de Robert Schuman
Lorsque le 19 novembre 1918, le général Pétain entre à Metz à la tête de ses troupes, la population lorraine l’accueille triomphalement, mais l’enthousiasme retombe vite. Paris envoie comme commissaire le sectaire Mirman qui chasse les habitants allemands de la ville ainsi que Mgr Benzler, alors que les Allemands, en 18’71, avaient laissé sur son siège épiscopal Mgr Dupont des Loges, pourtant connu pour ses sentiments patriotiques irréductibles. Les Lorrains demeurent attachés à leur législation sociale héritée de l’Allemagne, qui est la plus avancée d’Europe, ainsi qu’à leur législation scolaire et religieuse. Avocat, laïc dévoué au diocèse et notamment aux jeunes étudiants, pianiste de talent, lecteur et marcheur infatigable, Robert Schuman est appelé, à 32 ans, à entrer dans la commission municipale chargée d’administrer Metz jusqu’aux élections. Quand l’Union populaire républicaine présente sa liste aux élections législatives du 16 novembre 1919, elle y inclut le juriste Schuman qui fait ainsi sa modeste entrée dans la vie politique. Au sein du Parlement, il se consacre, sans rejoindre aucune faction, à la défense des intérêts des Lorrains, incarnant sa foi chrétienne dans son service de la société, car pour lui une certitude s’impose. «La démocratie doit son existence au christianisme. Elle est née le jour où l’homme a été appelé à réaliser dans son existence temporelle la dignité de la personne humaine, dans la liberté individuelle, dans le respect des droits de chacun et par la pratique de l’amour fraternel». Au cours de la période qui sépare les deux Guerres, la réputation de compétence et de détachement de Robert Schuman va s’amplifiant, tandis qu’il est le témoin horrifié de la montée de l’hitlérisme.
En mars 1940, Paul Reynaud fait entrer Robert Schuman dans son gouvernement, comme Sous-Secrétaire aux réfugiés. Au mois de juin, le maréchal Pétain accède au pouvoir et le maintient à son poste sans lui demander son avis, mais Schuman démissionne pour rejoindre la Lorraine à la fin du mois d’août, car ses compatriotes sont les premières victimes de la fureur nazie. A peine arrivé, il est arrêté par la Gestapo et envoyé en Allemagne où il reste en résidence surveillée pendant sept mois, jusqu’au jour où il parvient à s’évader. II passe toute la Guerre caché dans différents monastères, au point de pouvoir donner ce témoignage: «La cellule d’une prison est comparable à celle d’un monastère. On peut y prier à loisir, sans être dérangé, comme un moine… On est en dialogue intérieur permanent». Rentré à Metz dès la Libération, Robert Schuman est candidat aux premières élections législatives en 1945 et devient Président de la Commission des Finances, avant de devenir, en 1946, ministre des Finances dans le gouvernement de Georges Bidault. Pour lui, «les chrétiens doivent s’acquitter de leur mieux de leurs tâches, car ils oeuvrent, quoi qu’ils fassent, à l’édification du Règne de Dieu sur terre. II faut qu’ils en soient conscients».