Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

Le Dimanche, 1er jour de la fête.

Dès l’aurore, elles recommencèrent leur carillon non seulement dans toute la ville, mais encore dans le voisinage afin d’exciter de bonheur la piété des fidèles. Sur les 7 heures la Mutte sonna : c’est une des belles et précieuses cloches du monde, dont la majesté n’éclate que par la force unie de 24 hommes, qui n’annonce jamais que des choses de conséquence et publiques. Elle se fit entendre à diverses reprises, surtout au commencement et pendant la Procession générale qui se fit sur les 9 heures. On n’y vit réunit Messieurs les Vicaires et Curés, Messieurs de la Collégiale de Saint Thiebault, suivi de Messieurs de la Collégiale de Saint-Sauveur, de Messieurs du Chapitre, et dignitaires de l’insigne Cathédrale, conduits et animés par leur digne chef et Prélat qui présidait en habits Pontificaux, avec une gravité qui inspirait le respect et la dévotion à tout le peuple, dont la foule était sous confusion, ayant en tête Messieurs du Parlement, du Bailliage et du corps de ville. On avait préparé de bonne heure deux beaux étendards, qui représentaient les victoires signalées de Saint François de Sales ; sur la mort, par une résurrection, et sur l’enfer par son triomphe sur les hérétiques ; l’un était destiné à la cathédrale, où il est exposé, et l’autre à l’église des Religieuses, où il est également élevé. Celui-ci fut porté dès le matin à la cathédrale, pour être ensuite porté pendant la procession générale. Les Révérends Pères Minimes s’étaient disposés à cet honneur, que les religieuses avaient voulu leur faire, en reconnaissance des bienfaits et des grâces spirituelles qu’elles en recevaient soit pour leurs messes, soit pour les confessions ; mais Messieurs de la Cathédrale, n’ayant pu souffrir aucun mélange parmi eux ni dans le clergé, donnèrent cette glorieuse commission à un de leurs Officiers qui s’en acquitta dignement. Les canons de la citadelle et des remparts de la ville, saluèrent l’étendard, à sa sortie de la Cathédrale, par quantité de décharges, qui augmentèrent la joie de cette fête.

À l’entrée de la procession dans l’église de la Visitation, on éleva le grand étendard en haut du dôme à fleur de la voûte, afin qu’il fut vu d’un chacun, sans nuire à l’Autel dont il ne dérobe nullement l’éclat à la vue du peuple. Aussitôt, Monseigneur entonna le Te Deum, qui fut suivi très mélodieusement et dévotement par la musique. Ensuite Messieurs les Archidiacres et dignitaires de la Cathédrale, s’habillèrent pour officier à la grand-messe, qui fut célébrée pontificalement par notre digne Prélat. Puis ses Messieurs retournèrent processionnellement, tout glorieux de l’étendard qu’on leur offrit à leur départ, comme un monument de la reconnaissance de la Communauté. Ils le reçurent affectueusement et l’unirent à leur croix, pour montrer qu’ils se mettaient tous sous la protection de Saint François de Sales.

Les parements de ce jour aux trois Autels, étaient de satin blanc en broderie d’or et de perles, avec des bouquets en soie parfaitement bien travaillés au naturel. On y voyait pour dessin des palmes d’or en ovale, qui environnaient richement les bouquets de soie ; au milieu des devants d’Autels était une grande croix, d’où sortaient quatre bouquets de fleurs tendant aux quatre extrémités des coins, et entre chaque bouquet de grands rayons d’or. La chasuble extrêmement riche, était de mêmes broderies, ainsi que le reste de l’ornement, qui servit alors pour la première fois, et seulement à la messe solennelle. Pour les autres messes, il y avait trois chasubles de satin blanc, l’une en broderies, et les deux autres garnis d’une grande dentelle avec des passements d’or. Les chapes est uniques été de damas blanc, avec des passements de drap d’or à feuillage d’argent, qui marquait, par les armes de Monseigneur, la libéralité de sa Grandeur, qui en a fait présent à la Cathédrale ; et Messieurs les chanoines eurent la bonté de les prêter à la Visitation pour le service de toute l’Octave.

La Messe solennelle achevée avec une grande magnificence et majesté, Monseigneur, revêtu de ses habits Pontificaux, reçu une abjuration d’hérésie, ce qui augmente à la pompe et la joie de la solennité, ainsi que la gloire accidentelle de Saint François de Sales, qu’on peut, aussi bien après sa mort que pendant sa vie, nommé le grand triomphateur de l’hérésie. Ce grand Saint après l’avoir si courageusement combattu, et si heureusement abattu dans son diocèse par la conversion de plus de 70 000 âmes, la combat encore aussi victorieusement, quoique moins sensiblement, par la lumière salutaire qu’il obtient de Dieu à une infinité de pauvres aveugles, pour les retirer des ténèbres de la mort, ce qui fit croire pieusement que son intercession obtint le salut de ce nouveau converti, qui peut-être sans les grâces que Dieu avait attachées à cette solennité se serait misérablement perdu.

Vêpres et complies furent chantés solennellement en musique comme la grand-messe, ainsi que la bénédiction du très Saint-Sacrement par laquelle Monseigneur termina cette belle dévotion. Elle fut précédée de plusieurs beaux motets chantés à trois cœurs : l’orgue faisait le premier ; les trompettes, hautbois et autre instruments faisaient le second, et la musique le troisième ; le tout avec une mélodie si douce et si agréable, que les nombreux dévots du Saint se retirèrent pleinement satisfaits et remplis de consolation, n’ayant jamais rien vu de si solennel, ni rien entendu de si mélodieux.

Notre grand Prélat qui avait fait les honneurs de la célébrité, quant à ces cérémonies, en fit encore la gloire par son éloquence ; comptant pour rien les fatigues qu’il avait essuyées à la procession, à la grand-messe, et aux autres exercices de piété de ce jour, monta, rempli d’un zèle plein de feu dans la chaire de vérité, pour y faire à l’issue des vêpres, l’ouverture des panégyriques du grand Évêque de Genève. Il ouvrit son discours par ces belles paroles du prophète : Zelus domus tuae comedit me. Ce digne Prélat donna l’essor à sa ferveur en exaltant le zèle de Saint François de Sales, montrant que comme le zèle et l’amour de ce Saint pour le salut des âmes, avait été le caractère principal de sa vie, ils devaient être aussi la matière de son éloge. Il le divisa en deux parties, dans lesquelles après avoir déduit subtilement le beau feu dont Saint François de Sales a toujours brûlé pour un si noble sujet, il s’arrêta particulièrement à faire voir les effets signalés par lesquelles il a principalement éclaté avec ardeur. Ce qu’il fit pour gagner les âmes à Jésus-Christ dans le temps de son sacerdoce composa sa première partie ; dans la seconde, il montra ses grands embrasements dans le temps de son épiscopat. Jamais un dessein si juste ne fut prouvé avec plus de force, traité avec plus de doctrine, énoncé avec des expressions plus ardentes et entraînantes, accompagné de geste mieux parlant, ni orné d’une élégance plus majestueuse et apostolique. Sa Grandeur paraissait si enflammée, qu’elle ne donnait pas seulement l’idée du zèle de Saint François de Sales, mais en paraissait une expression fidèle, dont les étincelles pénétraient secrètement, et embrasaient sensiblement tous les cœurs.