Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

Affaire pénible avec un Curé.

Reprenons la suite de notre histoire. À cette époque, nous eûmes de pénibles affaires, au sujet d’un peu de biens de campagne que nous possédions depuis longtemps ; elles nous vinrent surtout d’un Curé, qui voulait nous ôter et faire perdre des dîmes qui nous appartenaient, et dont nous avions de bons titres, ainsi que ceux de notre acquisition. Il commença par de grandes menaces contre ceux qui oseraient lever nos dîmes, ne promettant rien moins que de leur rompre bras ou jambes. Ces menaces nous obligèrent de prendre conseil sur ce que nous devions faire en cette circonstance. On pria un bon vieux gentilhomme de nos amis de se trouver au lieu de la moisson, espérant que sa présence empêcherait qu’il y eut du désordre, nous le fîmes accompagner d’un avocat, afin qu’en cas de malheur, il en rapportât acte et procès-verbal. Le Curé s’y trouva aussi, armé secrètement d’une serpe à couper le bois ; lorsqu’il vit ces Messieurs, dont la présence lui déplaisait extrêmement, il les querella beaucoup. Cependant notre Soeur Tourière se mit en devoir de lever les dîmes ; le Curé la querella, et leva le bras pour la frapper de la serpe, qu’il avait tirée de dessous sa soutane, et l’eut frappé, s’il n’eût été désarmé par un des moissonneurs. Il donna plus de cinquante coups de pied et de poings à notre chère Tourière, qui souffrit tout avec une grande patience, lui disant seulement avec une constance admirable : « Monsieur, quand vous me devriez tuer, vous ne sauriez m’empêcher de faire l’obéissance, et rendre mon devoir ». Elle leva ainsi généreusement toutes nos dîmes. Le gentilhomme présent, se mit en devoir de la défendre, tout en faisant des remontrances au Curé, qu’en essayant de le retenir. Il ne put en venir à bout, et reçut lui-même un si furieux coup dans l’estomac, qu’il en cracha le sang. L’avocat fut encore plus maltraité, et il dressa son procès-verbal d’autant plus savamment, qui connaissait par expérience la pesanteur du bras du Curé.

Nous portâmes nos plaintes à Monseigneur l’Archevêque d’Embrun, évêque de Metz, qui envoya son Official et son Promoteur en informer. Les informations faites, la sentence fut rendue, et le Curé condamné à permuter son bénéfice curial dans trois mois ; et à se rendre sous huit jours à l’Évêché, pour recevoir la correction, et demander l’absolution de l’irrégularité qu’il avait encourue en frappant une Soeur Tourière Professe, ainsi que des autres excès qu’il avait commis. Il ne voulut pas se soumettre à la sentence de l’Official, et en appela comme abus au Parlement de Metz. Il y fut de nouveau condamné comme d’un appel nul, ni ayant point d’abus. Cependant, ne voulant pas encore se soumettre, il en appela à Trèves, Métropole de Metz ; là il fut fort blâmé d’avoir eu recours à la justice séculière, et renvoyé par devant ses propres supérieurs à Metz, qui le renvoyèrent à Trèves. Enfin, par la cinquième et définitive sentence, il fut condamné à permuter son bénéfice, et obligé d’aller à Rome, recevoir l’absolution de son irrégularité, d’avoir frappé une personne consacrée à Dieu par les voeux de chasteté d’obéissance. Ainsi il a été jugé dans les tribunaux de Trèves, de Metz et du Parlement, que ce n’est pas un moindre mal de frapper une de nos Sœurs Tourières professe, que de frapper un Prêtre. Toute cette affaire fut poursuivie et sollicitée par notre autre Soeur Tourière, pour sa campagne, qui fit pour ce sujet trois ou quatre voyages à Trèves, d’où elle revint presque allemande.