Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

Élection de la Mère Jeanne Marie de Foigny 1713.

Dans l’amertume de notre douleur nous cherchâmes prêt de Dieu notre consolation, et il nous redonna pour Mère celle à qui nous aimions depuis longtemps à donner ce nom, notre très Honorée Mère Jeanne Marie de Foigny ; mais, hélas ! Ce fut pour bien peu de temps, le Seigneur voulait qu’elle mourut sur la Croix, et en sentant tout le poids de notre indigence. Depuis quatre à cinq ans les récoltes avaient, ou manqué tout à fait, ou été très mauvaises. Nos maux provenaient alors des courses que les ennemis avaient faites, trois ans auparavant, dans le royaume sous la conduite du Comte de Grovestein ; ils portèrent la désolation partout où ils passèrent, mais spécialement en ce pays qui ressentit plus qu’aucun autre leur fureur soit par le pillage, soit par les incendies. Nous y perdîmes deux de nos fermes, qui était notre meilleur et plus considérable bien ; ils en emmenèrent le bétail, emportèrent les meilleurs effets, et réduisirent le reste en cendres.

Nos chers Monastères de la rue Saint-Antoine et du faubourg Saint-Jacques de Paris, ceux de Moulins, de Caen, de Nantes, de Pont-à-Mousson et Nancy, vinrent aussitôt charitablement à notre secours, en sorte que nous dûmes encore alors la conservation de notre maison à notre cher Institut. Mais à peine commencions-nous à nous remettre, que, l’année 1713, la mortalité se mit parmi les bêtes à cornes, et nous enleva toutes nos vaches, ce qui nous priva des ressources que nous en tirions pour la nourriture. Cette perte fut suivie du passage d’une armée de près de 200 000 hommes, qui enleva tous les fruits printaniers, vinrent ensuite des pluies continuelles qui empêchèrent de faire la récolte du blé en son temps, de sorte qu’on n’en put à peine tirer le tiers, une partie étant germée sur la terre, et l’autre étant mangé par une multitude de souris, qui causèrent une perte inconcevable. Le retour de l’armée nous valut un accablant quartier d’hiver. D’un autre côté les grands préparatifs qu’il fallait faire pour éloigner l’ennemi des frontières, obligaient les paysans et les laboureurs à tant de corvées et de convois, qu’ils n’avaient pas le temps de cultiver les terres, en sorte qu’à la mi-janvier, de l’année 1714, à peine y avait-il un tiers des terres ensemencées. D’après cet exposé on peut se faire une petite idée de ce que nous eûmes à souffrir par ces temps désastreux, étant déjà si gênées auparavant.

Le Seigneur nous donna un soutien dans notre digne Prélat qui, non content de nous gratifier de l’honneur de sa protection à la cour, et de payer notre capitation, vint plusieurs fois à notre secours dans nos pressants besoins. Sa Grandeur avait la bonté d’ajouter à la solennité de toutes nos fêtes par sa présence, et d’y donner la Bénédiction ; souvent aussi il nous favorisait de sa visite au parloir, et lorsqu’il daignait recevoir nos renouvellements, il faisait lui-même une touchante exhortation.