Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

Pauvreté de ces commencements.

Cependant notre très Honorée Mère Jeanne Françoise de Saint-Vincent se donnait tous les mouvements et les soins nécessaires pour avancer l’établissement de Metz, et pourvoir au besoin de sa petite Communauté. Le crédit qu’elle avait dans la ville, où elle était fort connue, ayant été autrefois chanoinesse de l’Abbaye de Sainte-Marie, lui procurait parfois des avantages pour ses Sœurs, et Messieurs ses parents lui faisaient aussi beaucoup de bien. Mais la subsistance d’une Communauté, quelque petite qu’elle soit, dépend de tant de choses, que la sienne avec tous ces secours, était le plus souvent obligée de se nourrir de légumes et de racines. Elles passèrent plusieurs carêmes à ne manger que du pain pour la collation, et les plus rigoureux hivers à n’allumer de feu qu’à la cuisine, encore était-ce fort peu, n’ayant autre bois que ce qui tombait des arbres au jardin. Les dortoirs et cellules n’étaient proprement que des greniers, dont la couverture mal entretenue, faute d’argent pour payer des couvreurs, faisait que souvent les lits étaient baignés d’eau ou couverts de neige. Enfin leur pauvreté était telle, qu’elles étaient pour l’ordinaire assises à terre faute de sièges ; car on n’en avait que pour le chœur, d’où on les portait au réfectoire et à la récréation : nos chères Sœurs souffraient ses disettes avec une grande joie, pour l’amour de Celui qui s’est fait pauvre pour nous.

La bonne Mère endurait plus que toutes les autres par la peine qu’elle avait de voir ses chères filles dans cette disette ; le Ciel la secouru lui envoyant de bonnes prétendantes, qui joignaient aux dispositions nécessaires pour être d’excellentes Religieuses, quelques secours temporels qui furent utilement employés pour le bien de cette maison. On commença par acquérir une métairie, où l’on espérait recueillir à peu près la provision de blé, et recevoir plusieurs autres avantages. Entre les 15 Religieuses que reçut notre Très Honorée Mère Jeanne Françoise de Saint-Vincent dans les deux triennaux, trois était pour le rang des Sœurs converses, et les autres pour le chœur : de ce nombre était la demoiselle huguenote, dont il a été parlé par erreur du temps de nos Sœurs de Riom.

On commençait un peu à s’accommoder et à respirer, lorsque la Providence permis que les grandes guerres qui ont si longtemps affligé le pays, et qui avait eu un peu de trêve, recommençassent plus fortement que jamais. Notre Monastère de Pont-à-Mousson se trouva si fort dans la nécessité, il fut contraint de redemander à celui-ci une partie de l’argent qu’il avait avancé pour la fondation : on l’emprunta à gros intérêt, et on l’envoya assez très chères Sœurs, pour leur marquer la parfaite reconnaissance que leur conservait cette maison qui leur devait son existence. De l’autre côté, ces très Honorée Sœurs, pour décharger en quelque façon notre maison, rappelèrent quelques-unes des Sœurs de la fondation, et se chargèrent pour plusieurs années de quelques Sœurs de ce Monastère, qui retirèrent de grands avantages du séjour qu’elles firent dans cette sainte maison, où elles reçurent beaucoup d’édification des grandes vertus qui s’y pratiquent et furent très bien dressées pour
tous les emplois de la sainte Religion.