Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

On obtient trois lignes d’eau et l’on établit plusieurs fontaines.

Nous lui serons toujours redevables pour le grand avantage qu’elle nous a procuré par la construction de nos fontaines, dont les bonnes eaux contribuent à la santé de la Communauté. Il serait difficile de rendre les peines et les fatigues que cette entreprise lui causa ; cette bonne Mère trouva, par son courage à surmonter les difficultés, son tendre attachement pour ses filles. Messieurs de l’Hôtel de ville ayant entrepris d’augmenter les fontaines dans Metz, elle pensa que c’était une occasion favorable pour nous faire profiter de celle qu’ils établissaient dans notre rue, et présenta une requête à Messieurs les Magistrats pour leur demander trois lignes d’eau ; ils la décrétèrent d’abord favorablement, mais quand il fallut en venir à l’exécution, on y forma bien des oppositions. Ces Messieurs ne voulaient point accepter le terrain que nous voulions leur céder pour placer la fontaine de la ville, nos voisins s’opposant fortement à ce qu’elle fut proche de leurs logis. Monsieur le Syndic de cette ville, qui nous a donné dans toutes les occasions des preuves de l’amitié et de la protection dont il honore cette maison, ne pouvant résister à toutes les objections qu’on lui faisait pour mettre obstacle à la grâce qu’il voulait nous accorder, fut obligé de dire à notre chère Mère, en présence de Messieurs de l’Hôtel de ville, qu’il ne fallait plus penser à exécuter ce projet, que les intérêts du public demandaient qu’on nous refusât. Ces paroles ne rebutèrent point notre digne Supérieure, elle fit dire à la Communauté d’aller devant le Saint-Sacrement, demander au Seigneur l’heureux succès de cette affaire. Sa confiance ne fut pas vaine, à peine y avait-il un demi-quart d’heure que nous étions en prière, que ces Messieurs changèrent de sentiments d’après une proposition que leur fit notre chère Mère. Elle offrit de leur abandonner environ sept pieds de terrain d’une petite chambre qu’occupaient nos Soeurs Tourières, pour bâtir le réservoir de la ville, et se chargea encore de faire évacuer l’excédent des eaux de la fontaine de la ville et de celle de notre maison. On consentit à ces propositions, dont nous avons un acte en bonne forme ; notre chère Mère fit creuser un puits dans la cave qui règne sous le magasin d’eau de la ville, pour en recevoir l’excédent. Elle se pourvut ensuite de corps pour les conduites qu’elle voulait faire dans notre maison. Le premier est un corps de fer attaché à la voûte d’une cave près du réservoir de la ville, il conduit l’eau dans celui qu’elle a fait construire près de notre buanderie : par le moyen de robinet, l’eau remplie deux grands bassins de ciment dont nous avons déjà parlé. On s’évite la peine de jeter la lessive par le moyen d’une petite pompe que l’on a mise dans la chaudière, qui porte la lessive sur le cuveau, tandis qu’une autre à côté y porte l’eau froide. On peut encore par le secours de ces pompes, faire passer l’hiver, dans des conduits de fer-blanc, l’eau chaude dans le bassin où on lave le linge. Ces avantages nous procurent encore l’agrément d’un jet d’eau au milieu de notre jardin, qui sert à l’arroser, et à conserver du poisson dans un réservoir. Le troisième conduit mène l’eau à la cuisine et au Réfectoire.

Notre très Honorée Mère s’appliqua dans ces ouvrages à procurer un avantage utile et commode à la Communauté ; mais sa prudente économie évita tout ornement superflu. Ses soins assidus et continuels, pour s’assurer de la solidité de l’ouvrage, altérèrent beaucoup sa santé, qu’elle ne ménageait nullement, car après avoir passé les journées entières à voir travailler les ouvriers, elle employait une partie des nuits aux écritures que demandait sa charge. Les croix qui en sont inséparables ne lui manquèrent point, quoi que sa rare et solide vertu lui eût concilié l’estime et le respect de toutes les personnes qui la connaissaient. Ses grandes qualités ne purent la mettre à l’abri des calomnies qu’un zèle aveugle et indiscret débita contre elle et sa Communauté. Les règles de la justice et de l’équité auxquelles on manqua à notre égard dans cette occasion, ne nous dispensent pas de celle que nous impose la charité à l’égard de l’auteur de cette persécution, dont nous supprimons le nom et le caractère ; nous dirons seulement que notre vertueuse Mère soutint longtemps en silence la pesanteur de cette croix, ne voulant que Dieu pour témoin de son sacrifice. Cependant il faut avouer qu’elle porta trop loin sa discrétion ; car sa patience donna le loisir à la calomnie de faire de fâcheuses impressions sur l’esprit des personnes que l’on avait faussement prévenues : il fallut enfin s’expliquer, et notre chère Mère eut besoin, pour prouver son innocence et l’intégrité de nos sentiments, de mettre en usage toute la sagesse et la prudence dont elle était douée. Elle eut la consolation de détruire entièrement toutes les fosses aux impressions que l’on avait données ; mais nous avons attribué à la violence qu’elle se fit en cette occasion, et à la sévérité qu’elle avait pour elle-même, la maladie qui nous fit tout craindre pour sa vie la dernière année de sa supériorité. Le Seigneur exauça pour lors les voeux ardents que nous lui offrîmes, pour obtenir de sa bonté la conservation de cette chère Mère ; mais la suite prouvera que ce ne fut pas pour longtemps.