Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

Description de l’église.

« La disposition de l’église est en croix latine, dont le fond est terminé en demi-cercle. L’ordre d’architecture règne au pourtour sans être interrompu, et les quatre piliers qui forment le milieu de la Croix, portent sur leurs arcs doubleaux un dôme, qui compose la partie du sanctuaire séparée de la nef par une balustrade, ou appui de communion, peinte en bleu, dont les ornements sont dorés en or de ducat. La porte représente dans son milieu les armes de la Visitation, et les deux panneaux à côté sont ornés des Noms de Jésus et de Marie.

Le Maître-Autel est placé sous le second arc du dôme ; derrière dans la partie cintrée se trouve la sacristie. Dans le croison à gauche, en entrant, l’Autel de la Visitation se présente en face ; le fond est occupé par le choeur des Religieuses. À droite est l’Autel de la Bienheureuse Mère de Chantal, qui répond à celui dont on vient de parler. L’entrée de l’église est ornée d’une tribune. Avant d’arriver à l’église, il y a une petite cour d’entrée, dont la porte, placée dans le milieu, est enrichie d’une architecture de bon goût, qui la rend fort agréable. Les tablettes portaient dans toute la longueur du mur de clôture de l’entrée, des caisses de lauriers.

On avait placé sur le portail un tableau, représentant la Bienheureuse Mère de Chantal, environné de lauriers, ce qui rendait l’aspect fort agréable par cette variété de verdure, mêlée avec l’architecture. Les Dames Religieuses pour décorer convenablement leur église, qui passe pour une des plus belles de la ville, avaient fait blanchir tout l’intérieur en blanc d’Espagne ; les corniches, cordon, pilastres, et tout ce qui dépendait de l’ordre de l’architecture, était d’une couleur gris de lin. Le dessus des corniches du sanctuaire et de la nef, était orné de lauriers, entremêlés de vase de fleurs artificielles, parfaitement belles et artistement rangées. Entre chaque pilastre de la nef, il y avait de grands tableaux avec leurs bordures dorées ornées de sculpture, au-dessous desquels paraissait une belle tenture de tapisserie de bouquets de roses, qui conserve depuis un grand longtemps toute la vivacité des couleurs.

Au milieu des pilastres de la nef était enrichi de plaques dorées, qui régnaient de même dans la partie du sanctuaire, portant un luminaire en forme pyramidale par la distribution des girandoles. Le Maître-Autel, digne de l’admiration des connaisseurs par la beauté de son architecture en marbre, avait le dessus de la corniche orné de lauriers et de fleurs artificielles ; cette variété de fleurs et de verdure, régnant dans le tour de l’église, répondait parfaitement à l’harmonie, à l’accord et au bon goût que l’on avait cherché dans toute cette décoration ; cet arrangement exécuté avec art, faisait une merveilleuse symétrie.

Le tableau de la Bienheureuse Mère de Chantal, servant de retable, peint par Monsieur Girardet, premier peintre du Roi de Pologne, fait bien connaître les grands talents de cet artiste. C’est une pièce achevée, la Bienheureuse y est représentée couronnée de la main des Anges, recevant les Constitutions de celle de saint François de Sales, ce saint lui montre de l’autre main le chemin de la gloire, comme la récompense due à sa fidélité, et aux longs et pénibles travaux qu’il a soufferts. Le tour et les rayons de l’Ostensoir étaient garnis de magnifiques pierreries, dont l’éclat brillait à la clarté de 42 lumières qui ornaient le grand Autel, ce qui formait un charmant coup d’oeil. Une très belle argenterie dont le travail aussi précieux que la matière, était placée à propos sur les gradins de l’Autel, et portait de gros flambeaux distribués avec art, noblesse et sans confusion, parmi un grand nombre de vases ornés de bouquets et de fleurs.

Il y avait de part et d’autre du Maître-Autel deux planches de 12 pieds de hauteur, peintes en bleu, formant un ciel, garnies chacune de 250 lampions, et enrichies d’étoiles de cristal et de cailloux du Rhin ; au-dessous on voyait les signes du zodiaque, le soleil et la lune, surmontés de deux coeurs enflammés, couronnés de pierreries, avec ces mots : « Les justes brilleront comme le soleil. » Le luminaire de cette partie fixait les yeux des spectateurs par l’arrangement agréable avec lequel il était distribué ; le tout allumé ravissait et animait la dévotion d’un chacun, et ne laissait rien à désirer pour la satisfaction de la vue, ce qui faisait assez sentir le bon goût de la décoration.

Les deux Autels placés dans les croisons du sanctuaire, dont le goût de l’architecture fait la principale beauté par son ingénieuse composition, avaient de même une très belle argenterie sur leurs gradins, portant de gros flambeaux dans le milieu desquels on avait mis des niches de bois doré, travaillées en sculpture, dont le fond était orné de glaces ; au milieu étaient des statues d’argent de Saint François de Sales, et de la Bienheureuse Mère de Chantal, l’une et l’autre d’un travail parfait. Les vases ornés de bouquets de fleurs artificielles variées, relevaient la parure des Autels, dont les ornements étaient un fonds de glaces d’argent, relevé en or et fleurs naturelles. C’est un ouvrage dont la propreté, la délicatesse et le bon goût font l’admiration des personnes les plus capables d’en juger sainement. Les cadres des tableaux des trois Autels étaient dorés et enrichis de sculptures.

Au-dessus de la grille du choeur des Dames Religieuses, on avait placé un tableau de la Bienheureuse de Chantal, environné d’un beau luminaire : le cadre était garni d’une guirlande de fleurs artificielles, enrichi de pierres de stras et de cailloux du Rhin, sous un dais de damas vert, dont la campane festonnée, de même que les rideaux, était garnie de galons et de franges d’argent. Cette partie faisait un fort bel ornement dans le Sanctuaire.

Le milieu de l’église était aussi orné de cinq beaux lustres, chargés de cierges, et d’une lampe d’argent richement travaillée. Le luminaire ainsi disposé, faisait un très bel effet, et plaisait à tous les spectateurs, qui admiraient le grand nombre de lustres et de girandoles. Les chapes qui ont servi à célébrer le Service divin, pendant les trois jours de la cérémonie, étaient magnifiques par leur richesse et leur travail. Il y en avait une d’une étoffe fond blanc à grands ramages or et argent, et fleurs de soie. Une autre de brocart, et les offrait d’un parterre or et argent. La décoration a plu à tous les assistants par le bon goût qui régnait, et a mérité l’applaudissement général.

Monseigneur de Saint-Simon, évêque de Metz, eut des attentions et bontés duquel le Monastère de la Visitation ne pourra jamais assez se louer, ce qui fait l’admiration de tout le monde, par les éminentes qualités qui le rendent un Prélat du plus accomplis, lui fit présent de la somme de 300 livres pour contribuer aux frais de cette cérémonie, lorsqu’il lui envoya la permission de la célébrer.